Écrit par Ambre Montespan - Mis à jour le 5 févr. 2024
Devenue une star internationale, la chanteuse et musicienne anglo-gambienne Sona Jobarteh a fondé sa carrière sur un instrument traditionnel des cultures ouest-africaines : la Kora.
La Kora de Gambie et du Mali
Traditionnellement réservé aux hommes, la Kora est un instrument de musique à 21 cordes, quelque part entre la guitare, la harpe, le luth et la lyre, et pratiqué en Afrique de l’Ouest, du Sénégal au Niger en passant par le Mali, le Burkina, le Bénin.
La Kora accompagne souvent le chant des griots, ces poètes, historiens et enseignants qui racontent des histoires immémoriales (voir ici).
Elle se compose d’une volumineuse demi-calebasse, recouverte d’une peau de vache et percée d’un trou pour diffuser la résonance, comme une guitare.
Un long manche qui mesure généralement entre 1,20 et 1,40 mètre sert de point de départ aux 21 cordes, même si le nombre de cordes peut varier et s’élever jusqu’à 32.
On en joue en pinçant les cordes avec les doigts, surtout le pouce, l'index et le majeur.
Initiation Ă la Kora
Avant d’en devenir une virtuose, Sona Jobarteh est initiée à partir de l’âge de 3 ans à la Kora par les hommes de sa famille, tous musiciens reconnus : son frère, son cousin, son grand-père, son père dont elle est la fille unique. Signe que les sociétés africaines évoluent, ces musiciens ne cherchent pas à exclure Sona, mais se montrent soucieux de lui transmettre un héritage musical qui jusque-là se transmettait de père en fils, mais qui, au fond, n’a pas de genre. Son père lui dit d’ailleurs que, si quelqu’un écoute Sona jouer de la kora, il ne doit pas pouvoir dire si c’est un homme ou une femme qui joue, il doit simplement dire que c’est joué avec délicatesse, tact et justesse.
Curieuse histoire puisque selon la légende africaine, la Kora fut d’abord inventée par une femme-génie (génie dans le sens de djinn, les créatures merveilleuses de l’Islam), avant d’être volée par un griot et transmise à son fils.
École de musique
Par sa mère, Sona Jobarteh est anglaise. Jeune fille, elle va vivre en Angleterre et y suit les cours d’une école de musique ; elle étudie notamment le piano et le violoncelle. Les instruments traditionnels africains n’y sont pas considérés avec beaucoup d’égards. À l’examen, Sona échoue presque volontairement.
Elle retourne alors en Gambie auprès de sa famille paternelle et se perfectionne dans l’art de la Kora. Hésitante à se produire sur scène par peur du rejet, elle participe néanmoins à quelques concerts et rencontre un franc succès. Les temps ont changé et une femme peut jouer de la Kora en public.
Sona Jobarteh enregistre son premier album, chanté en langue mandingue et non pas en anglais, un choix d’authenticité qui, loin de la handicaper, l’aide à être reconnue dans le monde anglophone, des États-Unis à la Nouvelle-Zélande.
En 2015, Sona Jobarteh a pris sa place dans la tradition familiale en fondant elle-même une école de musique, la Gambia Academy, à Kartong, sur la côte de Gambie, au débouché du fleuve Sénégal. L’école compte 32 élèves, dont son fils qui joue du balafon (une sorte de xylophone africain) et sa fille qui joue des percussions. Ainsi se perpétue la longue lignée des griots.